Quand je serai petite…

« Kaz ne pouvait distinguer les traits d’Inej dans le noir, mais il sentait son regard désapprobateur.
– La cupidité est ton seul dieu.
Il se retint de rire.
– Non, Inej. La cupidité courbe l’échine devant moi. C’est mon serviteur et mon levier.
– Alors quel dieu sers-tu ?
– Celui qui me rendra riche.
– Ce n’est pas ce que font les dieux.
– Je m’en contrefiche. »

Dans le Barrel ne règne qu’une seule loi : celle du plus fort. Ou du plus malin.
Et dans ce quartier de Ketterdam, sinistre, violent, pourri jusque dans ses moindres recoins, le plus malin, c’est Kaz Brekker, alias « Dirtyhands » – « les mains sales ». Inutile d’épiloguer, son nom le précède.

De la mort de son frère, victime d’un chef de gang qui a laissé les deux jeunes garçons sans le sou, Kaz a gardé un brûlant désir de vengeance, et l’incapacité non pas tant d’aimer que de s’ouvrir, de faire confiance, de laisser un autre être humain le toucher, moralement, physiquement. Froid, génial et arrogant, appuyé sur sa canne comme si elle était un prolongement de lui-même, Kaz Brekker a toujours un coup d’avance.

Alors quand une drogue dévastatrice – le jurda parem – se répand dans le Barrel, donnant aux Grishas – êtres dotés de pouvoirs magiques – une puissance terrifiante, capable de détruire toute forme de civilisation, c’est à Kaz que fait appel le riche mercurien Van Eck. Sa mission ? Libérer le savant à l’origine de cette drogue, prisonnier aux mains des Fjerdans. Son problème ? Il est enfermé dans une forteresse réputée imprenable. A la clé ? Une fortune. 30 millions de kruge.

Kaz se tourne alors vers son « araignée », Inej, jeune Suli capable de récolter les secrets plus intimes en se glissant dans les espaces les plus improbables, toujours à l’affût… Si la confiance n’a pas sa place dans le Barrel, la loyauté y a encore du sens. Kaz et son gang l’ont libérée de la terrible maquerelle qui avait tout pouvoir sur elle. Elle lui doit la vie. Ni plus. Ni moins.

Et puis Jasper, et sa passion pour les armes, le jeu et les défis. Jasper qui traine comme une ombre une dette et une trahison qu’il devra toutes deux racheter…

Et Nina, jeune Grisha révoltée par le sort que font subir les Fjerdans aux siens, persuadés qu’il s’agit d’êtres maléfiques qui ne méritent pas d’exister… Nina qui ne veut rien tant que de libérer Matthias, drüskelle fjerdan qu’elle a fait emprisonner au Hellgate, quitte à subir de plein fouet sa haine sans doute un peu trop passionnée pour ne pas être de l’amour.

Pour compléter son équipe de haut vol, Kaz prend sous sa drôle d’aile Wylan, fils à papa en rébellion, accessoirement expert en explosifs.

Peu importent leurs sentiments, leurs rancœurs, leurs forces et leurs faiblesses, ils n’auront d’autre choix que de compter les uns sur les autres s’ils veulent sortir vivant de l’enfer de glace et de feu qui les attend…

Tic-tac.
Le compte à rebours est lancé.

Ce livre avait attiré mon regard en librairie, par sa superbe couverture en noir & blanc, et son accroche : « Six hors-la-loi. Une quête impossible. » Des allures de roman noir, des antihéros – sans aucun doute mes préférés – et d’improbables aventures… de belles heures de lecture en perspective ! Et il y a de ça dans « Six of Crows », c’est certain, mais pas que…

Je vous ai un peu perdu dans mon résumé..? Ne m’en voulez pas, j’avais simplement envie de rendre hommage à la complexité du roman, à sa richesse, ses multiples inventions et ses tiroirs qui s’ouvrent quand vous vous y attendez le moins. Sans non plus trop en dire. Difficile équilibre.

Car si vivre dans le Barrel n’a rien d’aisé, en découvrir les règles et les bassesses non plus. Je dois vous avouer que la première centaine de pages a été difficile… Le monde créé par Leigh Bardugo est tellement foisonnant – les deux cartes présentées au début du roman ne sont d’ailleurs pas de trop ! – les ramifications si nombreuses et les mots « inventés » si fréquents (même si du véritable hollandais se cache sans aucun doute quelque part là-dessous…), qu’il est complexe – au départ – de suivre et comprendre les enjeux de chacun. Car tous ont leur patrie, leurs tatouages, leurs cicatrices, leurs haines. Et cet argent qu’ils convoitent, ce n’est finalement – et n’en déplaise à Kaz – pas tant par cupidité que pour tenter, chacun à leur manière, de reprendre le contrôle d’une vie qui leur a échappé.

Chaque chapitre donne à voir l’action selon le point de vue d’un personnage, ce qui nous permet – petit à petit – de découvrir chacun de leur secret, tout en laissant un mystère planer sur les actions et ressentis des autres… Nous sommes tour à tour dans chacune de leurs têtes, chacun de leurs mensonges, de leurs rancunes et leurs inavouables amours. Car les sentiments n’ont pas leur place ici. Et pourtant… Pourtant, Leigh Bardugo nous offre une équipe délicieusement amorale, que – passées les quelques difficultés de compréhension du début, donc – l’on prend un immense plaisir à accompagner dans le désert glacial de Fjerda.

Inutile de vous dire que la fin – en cliffhanger – nous donne une furieuse envie de connaitre la suite et de retrouver nos voleurs du Barrel. Heureusement, le 2ème – et dernier tome – est prévu pour octobre ! D’ici là, il est temps pour vous de découvrir « Six of Crows »… 🙂 Accrochez-vous, il en vaut la peine !

« Avant Nina, avant Hellgate, il n’aurait jamais réfléchi ainsi. Désormais, il se sentait capable de passer ce marché avec lui-même. Il se joindrait à l’équipe du démon, gagnerait son pardon et quand il redeviendrait un drüskelle, Nina Zenik serait sa première cible. Il la chasserait à travers Kerch, à Ravka, partout où elle penserait être en sécurité. Il la poursuivrait sans relâche et lui ferait payer de toutes les manières possibles. La mort serait pour elle un cadeau. Il la ferait enfermer dans le cachot le plus glacial du palais. Il se jouerait d’elle comme elle s’était joué de lui. Il lui offrirait sa miséricorde pour la lui retirer aussitôt. Il lui apporterait son affection et des petites marques de gentillesse et les lui arracherait sans pitié. Il se délecterait de chaque larme qu’elle verserait et remplacerait ce délicieux parfum fleuri par le goût du désespoir. »