{Roman} Le plus jeune fils de Dieu – Carlos Salem

le-plus-jeune-fils-de-dieu« Je vais vous raconter l’histoire de Dieu Jr, le plus jeune fils de Dieu.
Je me fous complètement de savoir si vous allez y croire.
J’étais là, moi. Pas tout à fait sobre, mais enfin j’y étais.
[…]
Rien ne lui faisait peur, à part mourir sur la croix ; et quand je lui ai dit un jour que cela ne se faisait plus depuis des lustres, il m’a lancé un regard si solennel que je n’ai pas pu m’empêcher de verser une larme (ou alors c’est la fumée de clope qui a irrité mon œil) et il a rétorqué, avec une voix qui aurait pu être la voix off d’un blockbuster sur la Bible :
– Mais qu’est ce que t’en sais, bordel ?
Dieu Jr n’a jamais brillé par ses phrases destinées à la postérité. »

Dieu Jr en a sa claque de son Frérissime, Jésus. Lui aussi veut sa part de célébrité, et peu importe le prix à payer. Pourtant, quant un miracle raté dans un talk show spectaculaire fait de lui la risée du monde de la télé-réalité – de tout le monde, donc – c’est la goutte de bière qui fait déborder la chope. Dieu Jr part en exil.

Mais quand les pseudo-journalistes qui l’ont publiquement humilié sont assassinés chacun leur tour dans d’effroyables conditions, il ne faut pas bien longtemps pour que son nom revienne sur le devant de la scène…

Convaincu de l’innocence de son ami, qu’il a pourtant renié comme les autres, même s’il multipliait la coke, Poe – l’écrivain qui a vendu son âme au diable de la littérature romantique de bas étage (ou presque) – mène l’enquête pour retrouver le vrai coupable. Pour sauver Dieu Jr, peut-être, mais surtout pour honorer la promesse qu’il lui a faite : celle de se faire le témoin écrit de sa quête de la célébrité.

Tombé sous le charme fou d’Angélique, lui qui – depuis Lucy – essaie d’éviter le chemin de l’amour, embarque ses fidèles amis, le Greffier – policier – et Arregui – détective privé pour le compte du Vatican – dans une enquête détonante, à la recherche de Dieu Jr, et de celui ou celle qui – par ses meurtres – risque bien de l’y conduire, sur la croix.

Confiant son destin à une boite d’allumettes, Poe croisera au fil de sa quête Mariah, sa mère, ex-hippie devenue une terrifiante business woman ; son nouveau mari, George S. Atan (what else ?) ; Madeleine, transexuel(le) amoureuse ; ou encore les anciens apôtres du plus jeune fils de Dieu, Mathieu, Jean, Simon et les autres…

Pas vrai ?

si

 

 

Si.

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Roman jubilatoire autant que blasphématoire réservé aux amateurs d’humour noir qui n’ont pas peur des mo(r)ts, « Le plus jeune fils de Dieu » – « évangile de bière-fiction », comme le qualifie lui-même l’auteur – revisite avec insolence les épisodes les plus célèbres du Nouveau Testament, dans la chaleur poisseuse d’un été madrilène : des apôtres à la crucifixion, en passant par les miracles, au lecteur de prêcher le vrai du faux, dans les vapeurs d’alcool du récit de Poe.

Sous ses airs de vaste blague, « Le plus jeune fils de Dieu » est une vraie manne d’idées, souvent farfelues, parfois vulgaires, mais aussi une critique acerbe de la (sur)médiatisation et de son incommensurable vacuité, ainsi que – entre autre – une réflexion sur l’écriture et les mots, leur pouvoir, et sur la responsabilité du journaliste et de l’écrivain.

A la fois lyrique et prosaïque (oui oui !), l’écriture de Carlos Salem a quelque chose de l’urgence du désespoir, qui contraint à rire de tout, pour avoir une chance de s’en sortir. L’auteur m’a vraiment intriguée, et je pense me tourner vers ses autres romans, peut-être « Je reste roi d’Espagne », où l’on retrouve le personnage d’Arregui ou « Nager sans se mouiller », dont le titre est déjà toute une histoire !

Pour les amateurs de polars à la fois noirs et drôles, sensibles au charme sauvage de l’absurdité… Défenseurs du bon goût et de la bonne morale, s’abstenir, bien évidemment 🙂 [Mais je pense qu’ils ont lâché leur lecture dès le titre.. !]

3etoiles
« Alors qu’une bonne partie de Madrid s’efforce de ressembler à une copie défectueuse des banlieues résidentielles qu’on voit dans les films américains, Lavapies, le quartier où j’habite, s’obstine à garder la mémoire. C’est un quartier fait de morceaux d’Histoire et d’histoires tout court. Un quartier à l’âme de fleuve, qui coule de bras en affluents dans des rues rapides comme des torrents. Là, les restes immortels d’un Madrid authentique, celui qui respire au rythme des Chotis, coexistent avec l’avalanche de jeunes et de moins jeunes sous-produits de notre siècle : les artistes en puissance, les artistes impuissants, les rédempteurs pétris d’espoir qui forment les bataillons des ONG, les jongleurs de la vie qui saturent l’atmosphère de leurs inévitables djembés, les squatteurs qui croient encore au miracle solidaire, les poètes inspirés et d’autres qui le sont moins, les musiciens qui ont plus d’illusions que de talent, les peintres qui ne seront jamais célèbres et qui s’en tapent, les éditeurs suicidaires qui tentent de construire une utopie page après page, les végétariens – vraiment trop de végétariens -, les carnivores, les bouddhistes, les athées et une quantité indéterminée de Chinois photocopiés. »

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4 réponses à “{Roman} Le plus jeune fils de Dieu – Carlos Salem”

  1. micmc dit :

    Bon.

    Je prends.

    ‘Tin ma bibliothèque va exploser…

    ET comme mes talents de bricoleur avoisinent le QI d’une amibe, je ne suis pas prêt de redresser les étagères…

    Je ne sais si je dois te remercier du coup… 🙂

    • Haha je ne peux rien pour toi en termes de bricolage… Sinon de faire comme moi et d’investir dans une bonne… carte de bibliothèque 😉

      Je suis en train de lire « Le Pape, le Kid et l’Iroquois » en ce moment. Je suppose que tu connais déjà la bibliographie gore, bête, méchante, pop et très fun de ce cher Anonyme mais au cas où, et si tu te sens en manque de psychopathes déjantés, je ne peux que te la conseiller !

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